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Éducation : pourquoi les jardins pédagogiques sont-ils premiers de la classe ?



« Attendre que l’information et l’éveil des consciences changent les attitudes et que de nouveaux comportements durables se mettent en place est trop incertain et prend trop de temps ».


Cette citation de Gabriel Moser, psychologue environnementaliste et universitaire suisse (1944-2011) résonne d’autant plus en 2020, alors que les dérèglements planétaires se font plus que jamais sentir : incendies en Californie et en Australie, températures records et fonte du permafrost en Antarctique, démultiplication des ouragans dans l’Atlantique, effondrements des écosystèmes, pandémie mondiale….

Comment amener le changement des comportements ? Voici une question bien complexe à laquelle les associations d’éducation à l’environnement répondent à travers l’expérience sensible du vivant, et notamment à travers le jardin pédagogique. Offrant à moindres frais une expérience sensible et récurrente de la nature, ce dernier facilite le développement de comportements écologiques et tient le haut du tableau en matière d’impact. Support d’apprentissages multiples, vecteur de bien-être et de cohésion pour les élèves, il peut même susciter des vocations de jardiniers et d’agriculteurs dont notre monde a plus que jamais besoin. Revenons plus en détail sur son utilisation et ses multiples atouts.


Une expérience sensible de la nature qui facilite l’évolution des comportements


Aussi appelés jardins éducatifs, les jardins pédagogiques sont des espaces végétalisés cultivables dont la vocation première est l’éducation des individus à l’environnement à travers les activités d’observation de la nature et de jardinage. Intégrés dans la cour d’un établissement scolaire ou à proximité, ils peuvent prendre la forme d’espaces de culture en pleine terre ou de simples pots et bacs de terre ; ils intègrent parfois des installations pédagogiques type hôtel à insectes, mare, serre, et équipements divers (cabane, bancs, table..).

Les études démontrant les bénéfices associés à un contact avec la nature sont nombreuses et se multiplient actuellement. Parmi celles-ci, le travail de recherche mené par Daniela Sellman et Franz X Bogner établissait déjà en 2013 qu’ “en offrant une expérience directe et agréable dans la nature, les programmes d'éducation à l’environnement dans des environnements d'apprentissage en plein air peuvent non seulement influencer les connaissances et les attitudes environnementales, mais aussi le degré de connexion d'une personne avec la nature (…) Une mise en œuvre répétée ou à long terme peut assurer des effets persistants qui peuvent durer toute la vie. »

Une autre étude menée en 2017 par Siegmar Ottoa et Pamela Pensini établit qu’”augmenter la participation à une éducation environnementale basée sur la nature est associée à un comportement plus écologique, grâce à de plus grandes connaissances en environnement et à une connexion à la nature. (..) Dans cette même étude, le résultat le plus frappant est le suivant :La connexion à la nature a expliqué 69% de la variation du comportement écologique, contre 2 % pour les connaissances environnementales.”


Ces résultats invitent fortement les pédagogues de l’éducation nationale à sortir les élèves de la classe pour qu’ils aient une expérience concrète sensible du vivant. Les budgets très serrés ne permettent pas aujourd’hui d’organiser des immersions en nature hebdomadaires en raison principalement du coût des sorties en car ; dès lors, si les élèves ne peuvent pas aller tous les jours dans la nature, la solution n’est-elle pas d’inviter la nature dans la cour d’école ? La notion de répétition est clé : aussi, en disposant un jardin pédagogique à proximité on permet aux élèves de profiter de l’expérience de connexion à la nature de manière récurrente et dans la durée.


Des bénéfices beaucoup plus larges pour les élèves et pour la société


Dans les établissements scolaires, les jardins pédagogiques sont souvent utilisés pour transmettre aux élèves des notions de sciences et vie de la terre par des expériences concrètes. « Verdir les cours permet aux jeunes d’expérimenter par eux-mêmes, directement en sortant des murs de la classe, les connaissances apprises en classe" expose Danks dans son ouvrage paru en 2010 [1].


Au-delà des enjeux de connexion à la nature pour mieux la protéger, installer un jardin pédagogique dans les écoles contribue à la résilience d’un territoire en initiant les élèves au jardinage et en les amenant à réfléchir quant à leurs choix alimentaires. Avec les ateliers cuisine et repas partagés, les élèves découvrent le plaisir d'une alimentation saine et locale, le bon goût des légumes cultivés dans de bonnes conditions, comprendre la réalité des saisons. L’étude allemande menée en 2017 par Diana Wenzel a permis de démontrer que “Le jardin scolaire en tant que lieu d'apprentissage offre la possibilité de contrer l'aliénation croissante des enfants et des jeunes vis-à-vis de la nourriture et de leurs origines.


Mais les apprentissages ne se cantonnent pas aux Sciences et Vie de la Terre ou au développement durable. Yanig Moelo, ancien principal du collège Jean Le Coutaller à Lorient nous a expliqué que, grâce à l’engagement d’un professeur d’Education Physique et Sportive sur les temps périscolaires, le jardin avait permis à certains élèves à la limite de l’illettrisme d’apprendre de manière concrète et ludique des apprentissages fondamentaux tels que compter et écrire : en tenant un répertoire, en comptant ce qui a été semé… Les exemples pédagogiques se multiplient au gré de l’imagination des enseignants : travail de la géométrie à travers la construction de bacs, réalisation de carrés de cultures des 5 continents en histoire-géographie, réalisation de masques d’argile en arts plastiques, écrire des contes sur les jardins en français, construire des stations météo en technologie...toutes les matières peuvent être concernées et enrichies par cette expérience sensible autour des activités de jardinage.


Donner confiance, améliorer le bien-être et susciter des vocations


Pour les élèves les bénéfices se traduisent également par une amélioration de leur bien-être. Nadine Lahoud, présidente engagée de l’association Veni Verdi à Paris, nous a confié : « (Au jardin) des gamins “petits poètes” viennent souffler, c’est un refuge pour eux ».

Selon la parution Québecoise Verdir les quartiers, une école à la fois “la réintroduction d’éléments naturels dans l’environnement scolaire offre aux élèves la possibilité de profiter des bienfaits [de la nature] au quotidien : réduction du stress, amélioration de la santé psychique et physique (..) amélioration de la concentration chez les élèves, par conséquent une progression de leurs résultats scolaires.”


Grégory Grouhel, principal du collège de Kerentrech, à Lorient, résume en une phrase la richesse pédagogique du jardin : « le jardin est une manière de sensibiliser au travail de la terre en général. Ça doit aller au-delà de la sensibilisation à l’environnement, à l’alimentation… et être un prétexte pour faire de l’éducation : faire ensemble, prendre confiance, révéler des capacités. »


Le témoignage le plus poignant est celui de Nadine Lahoud au sujet d’Ernesto, un des élèves du collège Pierre-Mendès France à Paris (20ème) : « Ernesto nous a dit : ‘avant je me sentais mort, maintenant je suis vivant’. Ernesto a grandi à quatre dans un studio. Chez lui, la fenêtre s’est laissée envahir de toutes les plantes qu’il a faites pousser au collège, il ramène l’équivalent d’un repas par semaine. Aujourd’hui Ernesto est à l’école du Breuil [2]. » Susciter des vocations c’est aussi la priorité de Max Schaffer, directeur d’Optim’ism, association du pays de Lorient, impliquée dans la transition écologique à travers de nombreuses activités dont un pôle d’animation pédagogique : « l’idée est de sensibiliser très en amont : si on veut que pour les futures générations ça devienne fondamental d’être agriculteur, il faut donner une place à ce sujet dès l’école, lieu structurant pour l’apprentissage ».


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Note : Support d’expérience joyeux et multiple, le jardin pédagogique permet de transmettre avec une redoutable efficacité l’envie de mieux protéger la nature. En 2020, dans le cadre de ma formation IEVU à l’AgroParisTech - sur le thème agriculture, végétalisation et écologie urbaine - j’ai eu l’occasion de réaliser un mémoire sur le thème des jardins pédagogiques en établissement scolaire. Cet article fait partie d'une série thématique qui vise à partager quelques apprentissages issus des entretiens et des recherches que j’ai pu mener afin d’en faire profiter un maximum de personnes. Cher lecteur, chère lectrice, n'hésitez pas à me contacter si ce sujet vous intéresse et que vous aimeriez échanger plus en détails sur ce sujet !

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[1] source : Danks, S.G. (2010). Asphalt to Ecosystems: Design Ideas for Schoolyard Transformation. Oakland, CA: New Village Press

[2] L'École Du Breuil est l'école d'horticulture de la ville de Paris

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